Mors et enrênements dans le travail avec le cheval
Autrice : Cornelia Heimgartner
Le thème de la journée de formation continue de la Protection Suisse des Animaux PSA et du centre de formation professionnelle Inforama, qui s’est déroulée le 26 novembre à Berne, présente un potentiel de guerres de tranchées émotionnelles et de positions inconciliables. C’est précisément pour cette raison que la discussion objective et la transmission de connaissances professionnelles étaient au centre de la manifestation, dans le but d’éclairer cette thématique sous différents angles – avec succès !
Dès le début de la manifestation, il était clair que lorsque la Protection Suisse des Animaux PSA et le centre de formation professionnelle Inforama collaborent pour une journée de formation continue, il s’agit de créer des ponts et d’ouvrir des portes pour le bien du cheval. Des spécialistes renommés ont transmis au public, venu nombreux, des connaissances scientifiques actuelles et des pistes pour se former à l’observation sur le thème controversé des enrênements et des mors.
Dans son exposé d’introduction, Sandra Schaefler, zoologue diplômée et responsable du service animaux de compagnie et équidés de la PSA, a souligné que la PSA ne s’opposait nullement à l’utilisation des chevaux. En effet, la législation suisse sur la protection des animaux fixe le cadre légal de toute relation avec le cheval et doit toujours être respectée. Elle a résumé en ces termes à quel point l’utilisation des mors et des enrênement doit être évaluée de manière nuancée : « Du point de vue de la PSA, certains mors et enrênements sont à rejeter, au profit d’autres. C’est en fonction de l’action souhaitée qui dépend du cavalier ou de la cavalière, ainsi que du niveau de formation du cheval ».
En tant que représentant d’Inforama, mais aussi du sport de haut niveau, Patrick Rüegg, cavalier d’élite du cadre du Concours Complet et enseignant dans la formation professionnelle initiale et supérieure pour les métiers du cheval, a parlé de son expérience personnelle de l’utilisation des mors : « Un mors tranchant ne peut et ne doit jamais compenser durablement des lacunes dans la formation du cheval ». Son expérience personnelle de l’utilisation des enrênements a également touché le cœur de nombreuses personnes présentes : « Au cours de mon apprentissage de cavalier et de mon activité professionnelle en tant que formateur et cavalier, l’utilisation des enrênements était tout à fait normale. Je ne me posais pas trop de questions à ce sujet. Ce n’est que lorsque j’ai commencé à m’intéresser de plus près à la biomécanique du cheval que je me suis rendu compte que ce n’était peut-être pas la meilleure solution. Cependant, j’ai dû constater que le travail sans enrênements est nettement plus exigeant qu’avec ».
La biomécanique était également le mot-clé de l’exposé du Dr Selma Latif. Cette dernière a démontré de manière convaincante que pour juger de l’utilité ou de la nocivité d’un mors ou d’un enrênement, de nombreux éléments entrent en jeu et sont propres à chaque cheval. Il s’agit notamment des conditions physiques du cheval, qui sont déterminées génétiquement, telles que la longueur des leviers, le type de tissu conjonctif et la qualité des muscles. À l’aide d’illustrations claires et d’exemples imagés, elle a formé l’œil du public aux différences subtiles entre les tensions et les schémas négatifs de compensation d’un côté et, de l’autre, une musculature de maintien active et des chaînes myofasciales fonctionnant correctement. Ceci étant le modèle de mouvement souhaité et nécessaire pour une équitation douce. « Pour le maintien de la santé orthopédique, il faut travailler sur l’obliquité du cheval. L’activation des supports du tronc est la première étape. » explique cette vétérinaire expérimentée qui, en plus de son activité en Suisse en tant que praticienne spécialisée dans les problèmes orthopédiques, est très demandée dans le monde entier en tant que conférencière sur le thème de la biomécanique et de la thérapie par l’entraînement du cheval.
Conny Herholz, Prof. Dr. méd. vét. et responsable de l’approfondissement des sciences équines à la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) de Zollikofen dans le canton de Berne, s’est interrogée sur les métaux que nos chevaux ont dans la bouche. En effet, la diversité des mors disponibles est grande, non seulement en ce qui concerne la forme et le mode d’action, mais aussi en ce qui concerne les métaux utilisés. Dans le cadre d’une étude, elle a cherché à savoir si les chevaux pouvaient développer des problèmes ou des allergies liés à ces métaux. Sa conclusion a été fondamentalement positive : « Aucun des 103 mors analysés ne contenait d’éléments potentiellement toxiques, comme le cadmium ou le plomb. Il n’y a pas de risque non plus d’une libération toxique de fer par les mors Sweet-Iron ».
Dans son exposé, Maia Bachmann (Hippoteach) a retracé les origines des enrênements et a montré de manière précise et détaillée comment ils agissent et dans quelle mesure ils renforcent ou au contraire sapent les principes de l’échelle de formation en tant que base pour une formation adaptée au cheval. Elle a souligné la diversité des écueils que l’on rencontre sur le chemin de la formation du cheval et le fait que, dans la grande majorité des cas, ils ne peuvent pas être simplement contournés par des enrênements : « Le manque d’équilibre, la raideur et l’attitude extérieure lors des incurvations ne peuvent pas être corrigés durablement par des moyens de contrainte. Ni la cadence ni l’impulsion ne peuvent être forcées, mais elles peuvent être nettement améliorées par un jeu habile d’aides fines. Souvent, l’utilisation d’enrênements permet d’obtenir l’effet inverse de celui escompté. Des enrênements mal utilisés peuvent en outre nuire durablement au corps et au psychisme du cheval ».
Enfin, Ruth Herrmann, vétérinaire spécialisée dans la médecine comportementale, a emmené les auditeurs dans le voyage fascinant de l’observation des chevaux, afin de pouvoir évaluer objectivement leur état émotionnel. Elle a souligné que, même lors d’une observation prétendument sans jugement de valeur, notre cerveau effectue une sélection inconsciente : quels sont les éléments qui nous semblent importants à ce moment-là ? À quoi sommes-nous sensibles ? Quelle est l’humeur et quelles sont les émotions qui entrent en jeu dans l’observation ? Toutes ces composantes nous amènent à interpréter ce que nous voyons et à le compléter par des hypothèses. Et voilà que l’observation n’est plus objective. Pour minimiser ces facteurs d’influence, il faut de la pratique. Certains outils, comme les éthogrammes, peuvent nous aider dans nos observations : « Il existe des outils comme la Horse Grimace Pain Scale, l’Equine Pain Face Ethogram ou le Ridden Horse Pain Ethogram, qui ont une base scientifique et qui peuvent nous aider à classer les observations. Mais ces connaissances et ces discussions montrent aussi que nous avons encore beaucoup à apprendre ! Les chevaux nous transmettent quelque chose par leur comportement – faisons preuve, à leur égard, d’ouverture d’esprit et de volonté d’apprendre ».
Dans les ateliers qui ont suivi, les connaissances acquises ont été mises en pratique : en petits groupes, les participants ont pu évaluer directement l’allure et la musculature d’un cheval avec le Dr Selma Latif et discuter de leurs implications pour la suite de l’entraînement. Le même cheval a ensuite été longé par Cornelia Heimgartner (Reha-Trainer). Jeanne Bessire, professionnelle du cheval et entraîneur B ASEL, a entraîné le regard du public et souligné les différences de mouvements du cheval longé avec et sans enrênement. Au cours du troisième atelier, les deux professionnelles du cheval Janina Siegwart et Tanja Sprunger-Mighali ont expliqué aux participants quels étaient les facteurs à prendre en compte pour choisir le mors le mieux adapté à son cheval.
Lors de la discussion finale, certains aspects concernant les mors et les enrênements ont été repris et éclairés sous différents points de vue. Le message à retenir était clair pour tout le monde : si l’on se soucie sincèrement du bien-être de nos chevaux, on ne peut pas se contenter de réponses et de principes simples. On doit se pencher sur la diversité des aspects qui entrent en jeu. L’ouverture d’esprit et la volonté d’apprendre sont les conditions de base pour une utilisation respectueuse de nos chevaux.
Journée Cheval
«Mors et enrênements vus sous différents angles»
Lors de la journée de formation continue de la Protection Suisse des Animaux PSA et d’INFORAMA, des spécialistes ont transmis, sous différentes perspectives, des connaissances scientifiques actuelles et des inputs pour la formation du regard autour du thème des rênes auxiliaires et des mors.
Vous trouverez ici un résumé du programme et tous les exposés à télécharger